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Cette fois, je peux presque dire que c'est derrière moi. Parce qu'à part quelques mardis à venir hypocritement squatter les chaises de ma salle de cours, au nom de je-ne-sais-quel-oral que de toutes manières je ne risque certainement pas d'avoir, je n'ai plus la moindre pression : plus de colle, plus de dissertations de quinze pages, plus rien de tout ça. Mais ce qui fait chier dans l'histoire, c'est que je n'ai même pas l'impression d'en avoir fini. Je m'imaginais sauter de joie, sentir tout ça tomber derrière moi... Et pourtant, le 28 avril quand j'ai quitté la salle de concours, après avoir tenté tant bien que mal de traduire un texte insupportable, à part un peu de fatigue et la perspective réjouissante d'aller manger, je n'ai rien ressenti de ce que j'attendais. Finalement, j'ai été déçue que ça se finisse comme ça. Je m'attendais à une fin plus triomphante. Peut-être que ça viendra, après tout, je ne suis en vacances que depuis 4 jours. Ou peut-être que ça ne viendra pas, que ça passera comme ça, avec le temps. Petit à petit, j'oublierai à quoi ça ressemblait, peut-être que dans quelques années, je me dirais que ça n'était pas si terrible que ça m'a paru sur le moment. Un peu comme une mauvaise passe amoureuse ou amicale au fond ! On se prend la tête, tout nous paraît insurmontable, parfois on se dit qu'on est arrivé au point de rupture, et finalement on s'aperçoit que, cahin-cahan, on arrive à continuer quand on croyait que tout était fini et qu'on irait plus nulle part.

J'ai moins la trouille d'aller de l'avant. Je vais retourner à Clermont-Ferrand. Je vais revoir des amis, passer du temps avec eux. Au final, je n'ai presque rien su d'eux pendant deux ans. Et eux n'ont rien su de moi. Mes pires crises, je les ai vécues seule. Les moments où j'en avais vraiment marre, ou j'atteignais la limite de ce que je pouvais supporter, les seules personnes qui l'ont vu étaient des gens que je fréquentais à Saint Etienne, qui connaissaient la prépa de l'intérieur, parce que de l'extérieur, on en a que de fausses idées. Certains croient que c'est un enfer de pression, d'autres croient que c'est très surestimé. La vérité n'est ni dans l'un ni dans l'autre. C'est quelque chose d'hybride, certains moments on se dit qu'on ne vaut pas mieux qu'un branleur, mais le minimum syndical à fournir est déjà énorme. On vous met la pression, que vous vous en foutiez ou non, et s'en foutre n'élimine pas le stress d'être jugé entre 4 yeux au moment des colles, ou au moment où on énonce à voix haute la note de vos dernières 15 pages.

Je ne suis pas mécontente de l'avoir fait. A vrai dire, j'en suis même fière. Au moins je peux me targuer d'être allée jusqu'au bout. D'avoir tenu le coup, quand d'autres ne l'ont pas pu. Je me suis obstinée sur une voie, comme une autre. Elle me mènera à ce que je veux, et j'ai un meilleur niveau maintenant qu'il y a deux ans. Ma culture générale s'est très très fortement enrichie. Je vais attaquer une troisième année d'anglais qui ne me posera pas de difficultés majeures, et j'ai une capacité de travail importante, et surtout une capacité à travailler vite, avec efficacité. Mine de rien, ça n'est pas négligeable. Au moins, au Trivial Pursuit, ça sera toujours un avantage....

Amicalement parlant, j'ai fini par trouver des gens avec qui fonctionner là-bas. Deux à vrai dire. Des gens qui vont me manquer, probablement. Même certainement. A côté de ça, je me tourne vers les gens que j'ai connu au lycée, et je m'aperçois que de ma classe, je n'ai gardé le contact vraiment qu'avec deux, voire une parfois, personne(s), et de l'internat un peu plus, mais parce que j'ai continué à leur parler via les jeux qu'on pratique encore ensemble. 
Cette fin d'année, j'ai un petit peu le même sentiment que lorsque je rentre de vacances et que les gens que j'ai fréquenté pendant deux mois et que je connais depuis dix ans n'inondent plus ma boîte de réception de messages plein de conneries et d'invitations à les rejoindre à la plage à deux heures du mat', ce sentiment de voir s'effilocher, malgré les bonnes volontés (pas toujours des deux côtés en même temps) de garder le contact. Moi je crois qu'il s'agit souvent d'un refus de voir s'éloigner le passé, parce que personne ne veut admettre qu'il/elle a changé, et que la personne que l'autre représentait pour soi a changé de statut. Une personne qui ne fait plus votre quotidien ne peut plus vraiment être le même confident. Elle peut rester un ami fidèle, qui saura être présent quand vous le lui demanderez, mais elle ne percevra plus votre malaise, votre bonheur, n'importe, comme avant. Spontanément, il ne se passera plus rien. Mes relations avec mes amis de lycée sont devenues très artificielles dans ce sens qu'elles ne tiennent qu'à la présence, ou à l'absence, de messages, de sms, de la faculté à pouvoir se capter sur Msn, Facebook ou Skype. Les "petits riens" qui faisaient le quotidien avant, deviennent dérisoires. Alors quand on vous demande "quoi de neuf ?", à part l'état sentimental, physique, les activités ou la pluie et le beau temps... 

Et le pire c'est que j'ai tout le temps besoin de me prouver que ça n'a pas changé. Même si ça a changé, effectivement. J'essaie de m'accrocher, comme une tique. Envoyer des messages, laisser des mots sur Facebook, écrire une carte. Pourquoi ? En retour, parfois à peine plus qu'un "J'ai bien reçu ta carte", quand toutefois il y a un retour... Les gens continuent à se comporter avec vous comme ils le faisaient avant. Tous les étés, c'est comme si vous n'aviez pas vraiment changés, tous. C'est ce qui m'a séparée de beaucoup de mes amis estivaux. Je ne voulais pas admettre qu'on avait grandi. C'est un peu pareil aujourd'hui : à force de vouloir préserver à tout prix ce qui nous liait, j'ai fini par me rendre compte qu'en face de moi, tout le monde n'en avait pas envie. Pas de réponses aux messages, pas de news pendant des mois. Certains s'en justifient, d'autres non. "Je suis comme ça". Celui qui a été mon meilleur ami pendant des années était comme ça. On était séparé de 560 kilomètres, et pourtant, je n'étais jamais sans nouvelles de lui, jusqu'à ce que ça change, et qu'il m'éjecte de son quotidien. Là, il a commencé à me dire que c'était pas son truc, les nouvelles. Quand on a essayé de se donner une chance, tout s'est cassé la gueule. J'espère que je n'en prends pas la voie avec mes amis de lycée.

"La distance fait un tri naturel", paraît-il... Pas vraiment naturel non, ou sinon dans le sens qu'il dépend de notre/votre nature, à savoir "avez-vous vraiment ENVIE de garder le contact avec telle ou telle personne ?".